Interview de |
Comment et quand avez-vous décidé de devenir écrivain?
J'ai décidé de devenir écrivain quand j'étais encore trop jeune pour m'imaginer ce que cela signifiait être; je savais cependant que j'aimais écouter les histoires qui m'étaient lues ou racontées par mon grand-père. Et des histoires écrites par d'autres, d'abord entendues puis lues, est née l'envie de les créer à mon tour. Et voyant qu'au fil des années ce désir d'histoires ne s'est pas calmé, j'ai fais des efforts pour trouver un moyen qui me permettrait de faire de l'écriture, de la narration d'histoires, un métier. Difficile à croire, mais c'était possible.
Avez-vous souvent lu des livres-jeux?
Et comment que j'en lisais, en ce sens que les livres-jeux ont été, au cours de l’entrée dans l’adolescence, le véritable terrain d’entraînement où se sont formées certaines de mes compétences de lecteur. En les jouant et en les rejouant, j'ai consommé des livres-jeux de toutes sortes, de Loup Solitaire (Lupo Solitario) à la très discutable série Épouvante! (Horror Classic). Je dois le début de cette passion à la bibliothécaire du village où je suis né, cette Giovanna; une grande femme aux cheveux roux, qui s'occupait de la littérature pour les plus petits. C'est elle qui m'a indiqué l'étagère avec les livres-jeux dans la salle de lecture des enfants.
Quels sont vos auteurs et vos volumes préférés?
Mon auteur préféré absolu est Dave Morris, particulièrement la série L'Épée de Légende (Blood Sword). Je me souviens d'un des étés passé avec les parents et les amis des parents dans des endroits où on ne revenait jamais. Moi et le gamin d'un ami de mes parents, au lieu de piquer une tête à la plage, nous nous sommes assis en jouant aux Labyrinthes de Krarth (Labirinti di Krarth) et aux Murailles de Spyte (Mura di Spyte) sans interruption. Nous avions même réussi à convaincre deux filles de se joindre à nous! Une grande réussite. Je n'oublie pas non plus Cœur de Glace (Cuore di Ghiaccio), de Dave Morris. Très savoureux, même si la série Destins* (Realtà Virtuale) avait quelques défauts évidents.
Avez-vous déjà écrit des livres-jeux?
Non. Je l'admet. Je n'avais jamais écrit de livres-jeux, et pourtant m'engager dans la conception et l'écriture d'un livre-jeu a toujours été une envie, un désir latent de ceux qui nous tirent du passé, comme un fantôme de ceux dissimulés dans les ondes du cerveau. Les livres-jeux sont désormais absents du marché depuis plus de dix ans et, par conséquent, lorsque j'ai reçu la proposition d'un livre à choix-multiples inspiré du dessin animé de Huntik, produit par Rainbow et créé par Iginio Straffi, j'ai été agréablement surpris. Toutefois, cela m'a paru un défi très intéressant et j'ai tout de suite accepté, me jetant à corps perdu dans l'écriture et me remémorant des souvenirs bien-chers, retrouvant les particularités de la structuration de mes lives-jeux préférés. Des suggestions et des émotions de quand j'étais gosse.
Comment avez-vous abordé ce projet?
J'ai beaucoup de travaux derrière moi, surtout dans la narration et la mise en scène télévisuel, mais je n'étais pas du tout équipé au sens technique pour y faire face, mais je me suis confronté de manière productive avec Rainbow et Fabbri dans l'élaboration afin d'obtenir une histoire captivante, qui d'une part a su redynamiser et ne pas échapper à certaines règles de la littérature ludique, mais, d'autre part, qui a su être en mesure de s'adresser et de dialoguer avec un public plus habitué à la consommation assidue (comme c'était mon cas) de livres-jeux. Le dessin animé de Huntik propose une histoire complexe qui se prête bien à la création d'un livre interactif, car les protagonistes sont confrontés à des mystères à résoudre et sont appelés à affronter de nombreuses épreuves, cela n'a donc pas été difficile pour moi d'en tirer une intrigue. À la fin de l'écriture, le résultat obtenu a paru, pour moi, Rainbow et Fabbri, plus que satisfaisant.
Que pensez-vous de la littérature interactive de nos jours?
La littérature interactive est morte, ou plutôt les livres-jeux et la littérature interactive sont morts. Aujourd'hui nous ne faisons essentiellement que discuter et rejouer des livres glorieux d'il y a quelques décennies. La Cité de l'Atlantide elle-même, qui à mon avis (je ne suis pas objectif, je sais) est une tentative intéressante, reste une publication infime, qui ne peut survivre que grâce à la lumière réfléchie du dessin animé qui attire des milliers de spectateurs, c'est-à-dire des enfants enclins à la lecture. Les livres-jeux au sens strict, avec leur propre marché et un public prêt à accueillir chaque nouvelle publication, étaient un éclair assez glorieux, mais tout comme un éclair, ils s'éteignirent, supplantés par les jeux vidéo et par l'activité vidéoludique. Même les plus hautes expérimentations américaines sur la littérature interactive, les fameux hypertextes, de Micheal Joyce à Mark Amerika, n'ont pas obtenu de meilleurs résultats, ni n'ont pu affecter le marché et devenir un genre actif; il ne reste plus que des expérimentaions, des vestiges d'une époque culturelle plutôt que des œuvres capables de fonder un genre et un marché.
Qu'est-ce qui a fait la différence dans la domination des jeux vidéo? La bataille est-elle définitivement terminée aujourd'hui?
Il est naturellement évident d'assumer que les jeux vidéo font mieux ce que les livres-jeux essayaient de faire il y a vingt ans, car le monde auquel l'écriture (et surtout la lecture) donne vie est un monde apparemment plus médiatisé que celui mis en scène par un jeu vidéo, qui a plutôt ses points cardinaux dans l'impression d'immédiateté et dans la possibilité d'implication: si je contrôle mon personnage dans une ville fantastique (je pense, juste pour donner un exemple assez important, à GuildWars ou à World of Warcrat), j'accentue justement cette impression de liberté et de réalisme que j'ai ressentie dans ma poitrine en lisant des livres-jeux il y a vingt ans. Cependant, je crois qu'aujourd'hui la technologie impose une très grande vitesse de consommation, c'est-à-dire d'une consomation d'un produit obsolescente, de récits vidéoludiques qui s'épuisent sans pouvoir être revécus avec goût; aujourd'hui, l'informatique et le marché vidéoludique parient tout sur la vraisemblance, pas tous évidemment, mais la tendance générale est la suivante; aujourd'hui, avec leur lenteur intrinsèque à la lecture, avec leur besoin d'imaginer, les livres-jeux peuvent représenter une offre intéressante pour ceux qui se trouvent intolérants aux récits proposés par les jeux vidéo. En fait, les livres à choix multiples, de par leur nature, misent et s'appuient sur la capacité du lecteur à se représenter un monde, à profiter du temps. En tant que consommateur d'histoires, je prends plaisir à lire une histoire qui me demande une partie du processus imaginatif, quelque chose que les jeux vidéo en revanche font moins, "mettre en scène" l'histoire.
Selon vous, les éditeurs pourraient-ils faire quelque chose pour inverser la tendance?
Je ne souhaite pas aborder la myopie des éditeurs du secteur du jeu: je ne dis pas qu'ils pourraient inverser une tendance qui serait inévitablement entrée en collision avec le développement pressant de l'informatique et par conséquent le marché ludique, un marché capable de se régénérer et de se renforcer avec la même vitesse que le développement technologique. Cependant, ils auraient certainement pu trouver un moyen de se renouveler.
Mais les jeux vidéo peuvent-ils coexister avec la littérature interactive ou sont-ils de plus en plus destinés au fil du temps à en limiter les espaces?
Je pense qu'ils pourraient coexister si la lecture était cultivée, tout comme l'activité vidéoludique. Aujourd'hui, un parent joue sans crainte avec son enfant sur la PlayStation, mais il lui offre difficilement un livre-jeu, ne lui raconte peut-être même pas une histoire. Pour revenir à ma chère bibliothécaire Giovanna, j'étais en quelque sorte "formé" à la lecture et en même temps à l'utilisation des outils informatiques (PC et consoles), et j'ai donc pu acquérir différentes compétences, d'abord celles d'imaginer un monde à partir d'une phrase, ce qui est très différent de "voir" un monde mis en scène par un jeu vidéo.
Quelles différences avez-vous remarqué entre l'écriture d'un livre "classique" et devoir en réaliser un interactif?
La différence réside dans la phase de l'élaboration. Un livre peut être écrit à partir d'une seule scène, d'une idée assez puissante pour générer un monde, d'une phrase capable d'enclencher le processus créatif de l'écriture. En écrivant un livre "classique", vous créez un monde pendant que vous l'écrivez. Il est possible de le changer, de mieux le définir lors du processus d'écriture; je parle pour moi, bien entendu. En ce qui concerne le livre-jeu, en revanche, tout se passe en premier. Le processus de création, l'acte le plus enrichissant, s'effectue devant un rouleau de papier blanc sur lequel est dessiné le livre, point par point, jonction par jonction. Bref, au lieu d'écrire, au lieu de produire lors de l'écriture, le processus de création se fait principalement dans la conception de la structure, c'est-à-dire avant l'écriture. Après quoi, si vous avez des compétences en écriture, vous pouvez vous amuser à écrire tout ce que vous avez déjà, essentiellement, conçu. Étant donné que La Cité de l'Atlantide s'inspire donc de sujets déjà existants, il s'agissait d'analyser l'histoire et de comprendre comment la soumettre, la magnifier, à la structure du jeu.
Le rapport aux histoires originales est-il absolu ou avez-vous ajouté votre propre touche créative?
J'ai été très inspiré par les épisodes originaux, cependant, pas seulement pour des raisons structurelles, je me suis permis certaines choses. Parce qu'une histoire peut être déclinée sur presque tous les supports, mais le support dans lequel elle est alors choisie pour lui donner corps a ses propres règles, impose des enjeux, détermine une structure. Personnellement, je ne vois pas cette imposition comme une limitation. Au contraire.
Je l'intègre dans le processus de création. Si l'on s'attache au personnage de Lok ou de Zhalia, si on arrive à l'imaginer avec aisance et affection, alors l'intègrer dans une situation conditionnée par la structure d'un livre-jeu peut être une expérience intéressante. Pour moi, ça l'était. Confronter Lok au dilemme final de La Cité de l'Atlantide, qui n'était évidemment pas là dans l'original, j'ai vraiment aimé. Aussi parce que c'est une citation...
Comment avez-vous géré les personnages qui n'étaient pas de votre propre création? Lequel est votre préféré? La sympathie entre Lok et Sophie est-elle une trouvaille à vous ou un truc récurrent dans la série?
Les personnages créés par Iginio Straffi pour Huntik sont des types très reconnaissables, avec lesquels il est facile de s'identifier. Cela ne me dérangeait pas de les utiliser dans l'histoire. Ma sympathie personnelle va à Cherit. L'affection entre Lok et Sophie, cette complicité toujours sur le point de s'épanouir en quelque chose de plus décisif, est un thème récurrent de Huntik. J'ai juste aimé lui donner une forme particulière.
Huntik Secret & Seekers a une structure très complexe, qui combine des éléments provenant des traditions magiques et mythologiques les plus variées. Pensez-vous que cette variété est l'une des clés de son succès? Quels sont les éléments qui ont fait de cette œuvre une réussite?
J'ai grandi avec les Chevaliers du Zodiaque, alors j'aime le mélange de magie, de mythologie et ainsi de suite. Même quand, comme dans le cas des Chevaliers, c'est désordonné, bâclé, pas du tout philologique. Il est d'usage d'attribuer à ce genre de produit une certaine approximation, mais ce sont précisément ces récits qui remettent en circulation des archétypes qu'il est alors facile pour le jeune lecteur de retrouver plus tard, dans d'autres formes de narration plus importants, de la littérature au sens strict, au théâtre, au cinéma, et même aujourd'hui dans les jeux vidéo les plus recherchés. Alors oui, je crois que la complexité, le caractère évocateur, la capacité de remettre en circulation du matériel déjà existant lié aux légendes et mythes qui ont formé au fil des siècles l'imaginaire et les épopées du continent européen, et de faire connaître ce matériel à un large public, est sans aucun doute l'une des caractéristiques de la réussite de Huntik. Le fait qu'autour du dessin animé il soit alors possible de reproduire la même histoire sous d'autres formes, renforce l'impact de Huntik sur le jeune public.
La Cité de l'Atlantide est sorti dans une édition très soignée, pleine d'images colorées et sur papier de qualité. Cela vous semble-t-il un choix gagnant, étant donné que le prix était nettement plus élevé que celui des autres livres-jeux?
Les livres-jeux sont incontestablement plus abordables. Cependant, puisque La Cité de l'Atlantide est un livre qui s'adresse avant tout à un public de jeunes téléspectateurs, la caractérisation visuelle du volume devait être un élément-clé de l'identification. Un choix approprié à sa manière, car il ne s'adressait pas directement aux passionnés de livres-jeux. Seulement indirectement.
Envisagez-vous d'écrire une suite ou avez-vous d'autres projets liés à la narration interactive?
Rainbow et Fabbri ont déjà en préparation la suite de La Cité de l'Atlantide, sur laquelle je travaille en ce moment... Alors, regardez en librairie dans quelques mois! Je serais très heureux de m'attaquer continuellement à la littérature interactive.
Si vous deviez écrire un livre-jeu à partir de rien, quel genre d'histoire et de personnages aimeriez-vous raconter, et dans quel environnement?
Des histoires d'aventures picaresques qui peuvent puiser dans cet énorme conteneur de matériaux qu'est la littérature italienne des siècles passés. Quelque chose qui peut trouver son expression dans l'ironie qu'avait Sinbad, le Prince des Voleurs (Sinbad, Il Principe dei Ladri). Mais pourquoi pas, aussi un monde futuriste dans lequel nous revenons pour exprimer un peu plus notre vraie nature animale. Châtiés aujourd'hui par l'excès de la technologie.
J'ai décidé de devenir écrivain quand j'étais encore trop jeune pour m'imaginer ce que cela signifiait être; je savais cependant que j'aimais écouter les histoires qui m'étaient lues ou racontées par mon grand-père. Et des histoires écrites par d'autres, d'abord entendues puis lues, est née l'envie de les créer à mon tour. Et voyant qu'au fil des années ce désir d'histoires ne s'est pas calmé, j'ai fais des efforts pour trouver un moyen qui me permettrait de faire de l'écriture, de la narration d'histoires, un métier. Difficile à croire, mais c'était possible.
Avez-vous souvent lu des livres-jeux?
Et comment que j'en lisais, en ce sens que les livres-jeux ont été, au cours de l’entrée dans l’adolescence, le véritable terrain d’entraînement où se sont formées certaines de mes compétences de lecteur. En les jouant et en les rejouant, j'ai consommé des livres-jeux de toutes sortes, de Loup Solitaire (Lupo Solitario) à la très discutable série Épouvante! (Horror Classic). Je dois le début de cette passion à la bibliothécaire du village où je suis né, cette Giovanna; une grande femme aux cheveux roux, qui s'occupait de la littérature pour les plus petits. C'est elle qui m'a indiqué l'étagère avec les livres-jeux dans la salle de lecture des enfants.
Quels sont vos auteurs et vos volumes préférés?
Mon auteur préféré absolu est Dave Morris, particulièrement la série L'Épée de Légende (Blood Sword). Je me souviens d'un des étés passé avec les parents et les amis des parents dans des endroits où on ne revenait jamais. Moi et le gamin d'un ami de mes parents, au lieu de piquer une tête à la plage, nous nous sommes assis en jouant aux Labyrinthes de Krarth (Labirinti di Krarth) et aux Murailles de Spyte (Mura di Spyte) sans interruption. Nous avions même réussi à convaincre deux filles de se joindre à nous! Une grande réussite. Je n'oublie pas non plus Cœur de Glace (Cuore di Ghiaccio), de Dave Morris. Très savoureux, même si la série Destins* (Realtà Virtuale) avait quelques défauts évidents.
Avez-vous déjà écrit des livres-jeux?
Non. Je l'admet. Je n'avais jamais écrit de livres-jeux, et pourtant m'engager dans la conception et l'écriture d'un livre-jeu a toujours été une envie, un désir latent de ceux qui nous tirent du passé, comme un fantôme de ceux dissimulés dans les ondes du cerveau. Les livres-jeux sont désormais absents du marché depuis plus de dix ans et, par conséquent, lorsque j'ai reçu la proposition d'un livre à choix-multiples inspiré du dessin animé de Huntik, produit par Rainbow et créé par Iginio Straffi, j'ai été agréablement surpris. Toutefois, cela m'a paru un défi très intéressant et j'ai tout de suite accepté, me jetant à corps perdu dans l'écriture et me remémorant des souvenirs bien-chers, retrouvant les particularités de la structuration de mes lives-jeux préférés. Des suggestions et des émotions de quand j'étais gosse.
Comment avez-vous abordé ce projet?
J'ai beaucoup de travaux derrière moi, surtout dans la narration et la mise en scène télévisuel, mais je n'étais pas du tout équipé au sens technique pour y faire face, mais je me suis confronté de manière productive avec Rainbow et Fabbri dans l'élaboration afin d'obtenir une histoire captivante, qui d'une part a su redynamiser et ne pas échapper à certaines règles de la littérature ludique, mais, d'autre part, qui a su être en mesure de s'adresser et de dialoguer avec un public plus habitué à la consommation assidue (comme c'était mon cas) de livres-jeux. Le dessin animé de Huntik propose une histoire complexe qui se prête bien à la création d'un livre interactif, car les protagonistes sont confrontés à des mystères à résoudre et sont appelés à affronter de nombreuses épreuves, cela n'a donc pas été difficile pour moi d'en tirer une intrigue. À la fin de l'écriture, le résultat obtenu a paru, pour moi, Rainbow et Fabbri, plus que satisfaisant.
Que pensez-vous de la littérature interactive de nos jours?
La littérature interactive est morte, ou plutôt les livres-jeux et la littérature interactive sont morts. Aujourd'hui nous ne faisons essentiellement que discuter et rejouer des livres glorieux d'il y a quelques décennies. La Cité de l'Atlantide elle-même, qui à mon avis (je ne suis pas objectif, je sais) est une tentative intéressante, reste une publication infime, qui ne peut survivre que grâce à la lumière réfléchie du dessin animé qui attire des milliers de spectateurs, c'est-à-dire des enfants enclins à la lecture. Les livres-jeux au sens strict, avec leur propre marché et un public prêt à accueillir chaque nouvelle publication, étaient un éclair assez glorieux, mais tout comme un éclair, ils s'éteignirent, supplantés par les jeux vidéo et par l'activité vidéoludique. Même les plus hautes expérimentations américaines sur la littérature interactive, les fameux hypertextes, de Micheal Joyce à Mark Amerika, n'ont pas obtenu de meilleurs résultats, ni n'ont pu affecter le marché et devenir un genre actif; il ne reste plus que des expérimentaions, des vestiges d'une époque culturelle plutôt que des œuvres capables de fonder un genre et un marché.
Qu'est-ce qui a fait la différence dans la domination des jeux vidéo? La bataille est-elle définitivement terminée aujourd'hui?
Il est naturellement évident d'assumer que les jeux vidéo font mieux ce que les livres-jeux essayaient de faire il y a vingt ans, car le monde auquel l'écriture (et surtout la lecture) donne vie est un monde apparemment plus médiatisé que celui mis en scène par un jeu vidéo, qui a plutôt ses points cardinaux dans l'impression d'immédiateté et dans la possibilité d'implication: si je contrôle mon personnage dans une ville fantastique (je pense, juste pour donner un exemple assez important, à GuildWars ou à World of Warcrat), j'accentue justement cette impression de liberté et de réalisme que j'ai ressentie dans ma poitrine en lisant des livres-jeux il y a vingt ans. Cependant, je crois qu'aujourd'hui la technologie impose une très grande vitesse de consommation, c'est-à-dire d'une consomation d'un produit obsolescente, de récits vidéoludiques qui s'épuisent sans pouvoir être revécus avec goût; aujourd'hui, l'informatique et le marché vidéoludique parient tout sur la vraisemblance, pas tous évidemment, mais la tendance générale est la suivante; aujourd'hui, avec leur lenteur intrinsèque à la lecture, avec leur besoin d'imaginer, les livres-jeux peuvent représenter une offre intéressante pour ceux qui se trouvent intolérants aux récits proposés par les jeux vidéo. En fait, les livres à choix multiples, de par leur nature, misent et s'appuient sur la capacité du lecteur à se représenter un monde, à profiter du temps. En tant que consommateur d'histoires, je prends plaisir à lire une histoire qui me demande une partie du processus imaginatif, quelque chose que les jeux vidéo en revanche font moins, "mettre en scène" l'histoire.
Selon vous, les éditeurs pourraient-ils faire quelque chose pour inverser la tendance?
Je ne souhaite pas aborder la myopie des éditeurs du secteur du jeu: je ne dis pas qu'ils pourraient inverser une tendance qui serait inévitablement entrée en collision avec le développement pressant de l'informatique et par conséquent le marché ludique, un marché capable de se régénérer et de se renforcer avec la même vitesse que le développement technologique. Cependant, ils auraient certainement pu trouver un moyen de se renouveler.
Mais les jeux vidéo peuvent-ils coexister avec la littérature interactive ou sont-ils de plus en plus destinés au fil du temps à en limiter les espaces?
Je pense qu'ils pourraient coexister si la lecture était cultivée, tout comme l'activité vidéoludique. Aujourd'hui, un parent joue sans crainte avec son enfant sur la PlayStation, mais il lui offre difficilement un livre-jeu, ne lui raconte peut-être même pas une histoire. Pour revenir à ma chère bibliothécaire Giovanna, j'étais en quelque sorte "formé" à la lecture et en même temps à l'utilisation des outils informatiques (PC et consoles), et j'ai donc pu acquérir différentes compétences, d'abord celles d'imaginer un monde à partir d'une phrase, ce qui est très différent de "voir" un monde mis en scène par un jeu vidéo.
Quelles différences avez-vous remarqué entre l'écriture d'un livre "classique" et devoir en réaliser un interactif?
La différence réside dans la phase de l'élaboration. Un livre peut être écrit à partir d'une seule scène, d'une idée assez puissante pour générer un monde, d'une phrase capable d'enclencher le processus créatif de l'écriture. En écrivant un livre "classique", vous créez un monde pendant que vous l'écrivez. Il est possible de le changer, de mieux le définir lors du processus d'écriture; je parle pour moi, bien entendu. En ce qui concerne le livre-jeu, en revanche, tout se passe en premier. Le processus de création, l'acte le plus enrichissant, s'effectue devant un rouleau de papier blanc sur lequel est dessiné le livre, point par point, jonction par jonction. Bref, au lieu d'écrire, au lieu de produire lors de l'écriture, le processus de création se fait principalement dans la conception de la structure, c'est-à-dire avant l'écriture. Après quoi, si vous avez des compétences en écriture, vous pouvez vous amuser à écrire tout ce que vous avez déjà, essentiellement, conçu. Étant donné que La Cité de l'Atlantide s'inspire donc de sujets déjà existants, il s'agissait d'analyser l'histoire et de comprendre comment la soumettre, la magnifier, à la structure du jeu.
Le rapport aux histoires originales est-il absolu ou avez-vous ajouté votre propre touche créative?
J'ai été très inspiré par les épisodes originaux, cependant, pas seulement pour des raisons structurelles, je me suis permis certaines choses. Parce qu'une histoire peut être déclinée sur presque tous les supports, mais le support dans lequel elle est alors choisie pour lui donner corps a ses propres règles, impose des enjeux, détermine une structure. Personnellement, je ne vois pas cette imposition comme une limitation. Au contraire.
Je l'intègre dans le processus de création. Si l'on s'attache au personnage de Lok ou de Zhalia, si on arrive à l'imaginer avec aisance et affection, alors l'intègrer dans une situation conditionnée par la structure d'un livre-jeu peut être une expérience intéressante. Pour moi, ça l'était. Confronter Lok au dilemme final de La Cité de l'Atlantide, qui n'était évidemment pas là dans l'original, j'ai vraiment aimé. Aussi parce que c'est une citation...
Comment avez-vous géré les personnages qui n'étaient pas de votre propre création? Lequel est votre préféré? La sympathie entre Lok et Sophie est-elle une trouvaille à vous ou un truc récurrent dans la série?
Les personnages créés par Iginio Straffi pour Huntik sont des types très reconnaissables, avec lesquels il est facile de s'identifier. Cela ne me dérangeait pas de les utiliser dans l'histoire. Ma sympathie personnelle va à Cherit. L'affection entre Lok et Sophie, cette complicité toujours sur le point de s'épanouir en quelque chose de plus décisif, est un thème récurrent de Huntik. J'ai juste aimé lui donner une forme particulière.
Huntik Secret & Seekers a une structure très complexe, qui combine des éléments provenant des traditions magiques et mythologiques les plus variées. Pensez-vous que cette variété est l'une des clés de son succès? Quels sont les éléments qui ont fait de cette œuvre une réussite?
J'ai grandi avec les Chevaliers du Zodiaque, alors j'aime le mélange de magie, de mythologie et ainsi de suite. Même quand, comme dans le cas des Chevaliers, c'est désordonné, bâclé, pas du tout philologique. Il est d'usage d'attribuer à ce genre de produit une certaine approximation, mais ce sont précisément ces récits qui remettent en circulation des archétypes qu'il est alors facile pour le jeune lecteur de retrouver plus tard, dans d'autres formes de narration plus importants, de la littérature au sens strict, au théâtre, au cinéma, et même aujourd'hui dans les jeux vidéo les plus recherchés. Alors oui, je crois que la complexité, le caractère évocateur, la capacité de remettre en circulation du matériel déjà existant lié aux légendes et mythes qui ont formé au fil des siècles l'imaginaire et les épopées du continent européen, et de faire connaître ce matériel à un large public, est sans aucun doute l'une des caractéristiques de la réussite de Huntik. Le fait qu'autour du dessin animé il soit alors possible de reproduire la même histoire sous d'autres formes, renforce l'impact de Huntik sur le jeune public.
La Cité de l'Atlantide est sorti dans une édition très soignée, pleine d'images colorées et sur papier de qualité. Cela vous semble-t-il un choix gagnant, étant donné que le prix était nettement plus élevé que celui des autres livres-jeux?
Les livres-jeux sont incontestablement plus abordables. Cependant, puisque La Cité de l'Atlantide est un livre qui s'adresse avant tout à un public de jeunes téléspectateurs, la caractérisation visuelle du volume devait être un élément-clé de l'identification. Un choix approprié à sa manière, car il ne s'adressait pas directement aux passionnés de livres-jeux. Seulement indirectement.
Envisagez-vous d'écrire une suite ou avez-vous d'autres projets liés à la narration interactive?
Rainbow et Fabbri ont déjà en préparation la suite de La Cité de l'Atlantide, sur laquelle je travaille en ce moment... Alors, regardez en librairie dans quelques mois! Je serais très heureux de m'attaquer continuellement à la littérature interactive.
Si vous deviez écrire un livre-jeu à partir de rien, quel genre d'histoire et de personnages aimeriez-vous raconter, et dans quel environnement?
Des histoires d'aventures picaresques qui peuvent puiser dans cet énorme conteneur de matériaux qu'est la littérature italienne des siècles passés. Quelque chose qui peut trouver son expression dans l'ironie qu'avait Sinbad, le Prince des Voleurs (Sinbad, Il Principe dei Ladri). Mais pourquoi pas, aussi un monde futuriste dans lequel nous revenons pour exprimer un peu plus notre vraie nature animale. Châtiés aujourd'hui par l'excès de la technologie.
Source: Librogame's Land Magazine Anno 5 numero 3 (47) - Marzo 2010
Traduction de l'italien par elementix
Traduction de l'italien par elementix